En enquête, chaque voix compte, surtout celles qui ne vont pas
dans le sens du consensus. Les opinions dissidentes, loin d'être un obstacle,
peuvent en fait être la clé pour éviter des erreurs graves et pour découvrir
des vérités que d'autres auraient ignorées.
Si tu passes à côté des opinions dissidentes, tu risques de rater des éléments essentiels qui pourraient faire toute la différence.
Prenons l'exemple de Pav Gill qui fut le lanceur d’alerte pour
dénoncer la fraude Wirecard en Allemagne en 2021, la plus importante fraude de
l’histoire allemande récente (+ de 2 milliards de fraude pour cette fintech de
sécurisation des paiements en ligne).
La firme de vérification comptable Ernst & Young avait pendant des années validé l’exactitude des comptes alors qu’un jeune vérificateur non écouté avertissait de la présence de documents truqués, c’était une voix dissidente.
La chancelière allemande Angela Merkel faisait la promotion de
l’entreprise jusqu’en 2020 malgré que ses services de renseignement économiques
lui répétaient qu’un scandale pouvait éclater à tout moment. C’étaient des voix
dissidentes.
En septembre 2017, Pav Gill, un avocat de Singapour, a rejoint
Wirecard et il découvre rapidement que des employés sont formés pour tromper
les auditeurs. Il tente alors de bonne foi de lancer une enquête interne dont
il soumet les résultats au conseil d’administration qui non seulement refuse de
l’écouter mais permet à son supérieur de le harceler, faire de sa vie un
enfer, et le force à quitter l’entreprise en septembre 2018. Avant son départ, Gill a sauvegardé 85 Go de données prouvant les irrégularités commises
par Wirecard et transmis aux autorités allemandes et le reste fut long,
laborieux, pénible avant que le scandale éclate.
Le point commun entre les voix dissidentes ?
Face à un consensus de satisfaction, les voix dissidentes ne
portent pas, ne sont pas écoutées, car la dissidence est suspecte de vouloir
déranger un succès satisfaisant pour tous. Et même lorsque la dissidence est
compétente (l’auditeur de EY, Pav Gill, services de renseignements financiers
allemands) ils doivent déplacer des montagnes (celles qui leur tombent dessus)
pour être entendus.
Lorsque nous menons une enquête en entreprise, nous demandons
toujours s’il n’y a pas quelqu’un dans la boîte qui aurait un avis différent sur
le sujet d’enquête et que personne n’écoute.
Ce marginal peut avoir tort ou raison, mais l’écarter serait une
faute, car les éléments de preuve ne sont jamais ceux qui font consensus. Mais
même sans parler d’enquête, méfie-toi des consensus, ils endorment la
vigilance et cachent des secrets.
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